• Chapitre 2

     
    Point de vue de Kiharu

      Ne me sentant plus observer depuis quelques minutes, je sortie de mon sac un petit carnet pour prendre des notes suivi d'un crayon à la mine. Je lançais des regards furtifs au professeur qui donnait des explications. Je pris des notes sur ce que je trouvais le plus important. Le professeur nous tourna le dos pour écrire quelque chose de presque illisible sur le tableau à l'aide d'une craie. Un élève se leva et fit des signes aussi incompréhensibles que l'écriture de l'enseignant. Les élèves semblaient avoir peur de ses gestes bizarres. Quelques minutes plus tard, il prit de nouveau place à son pupitre. La tension était palpable. Le silence faisait vibrer l'air. On aurait pu entendre une mouche voler. Je regardais le sol quand le professeur posa une question, ce qui fit paniquer la classe. On pouvait entendre la sueur sur leur front s'écraser sur leur table. Après quelques secondes d'attente, l'enseignant fit à nouveau face à son tableau. Croyant probablement que c'était peine perdue d'avoir une toute petite réponse. Je levai mes yeux vers lui puis dans un élan :
     
    -Monsieur?

      Il sembla alors surpris d'entendre ma voix résonner entre les quatre murs de la classe. 

    - Oui ? Tu as une question ?
    - Non pas vraiment, c'est pour celle que vous avez posée ...
    - Tu connais la réponse ? 
    - Je ne suis pas sûre mais ce ne serait pas ... 


      Je n'ai pas eu le temps de finir ma phrase. Je sursautai de surprise car j'entendis une chaise de métal se fracasser contre le sol. Avais-je fais une bêtise ? Je regardai vers le perturbateur. Un petit gringalet me pointait du doigt, la même personne qui faisait des gestes flous. Il était tellement rouge de colère que des veines sortaient pratiquement de son cou. Je me sentais mal à l'aise alors je baissai mes yeux par terre. Je le sentais me poignarder du regard. Mon souffle se fit irrégulier et mon cœur battait la chamade. Je pouvais dire que j'avais peur de ce qui pouvait m'arriver. Le professeur n'avait pas l'air d'être très alarmé par la situation comme si d'une certaine façon, il en avait l'habitude.
     
    - Monsieur Nakamura. Veuillez reprendre votre chaise et vous asseoir. Nous sommes dans une salle de classe et non dans une cour de récréation. Si vous avez des comptes à rendre, veuillez le faire à la fin du cours. 

      S'il avait des comptes à rendre, mais c'est de moi qu'il parle ? Je ne me sentais pas mieux sur le moment. D'ailleurs, j'ai été un peu surprise que le dit Nakamura fit les quatre volontés du professeur. Il semblait être un rebelle alors pourquoi avoir fait ce que le professeur avait demandé ? Cependant, je pu reprendre mon souffle.
      Le cours repris de plus belle. Le professeur tourna son dos au tableau et toute la classe était plongée dans le silence total comme si rien ne c'était produit quelques minutes plus tôt. J'essayais d'oublier ce petit accrochage mais sans succès. Je voyais son visage aux regards haineux, son doigt en ma direction, ses veines qui gonflait le long de son cou. L'image me hantait. Je n'arrivais plus à me concentrer sur le cours. Je n'entendais plus les explications du professeur. J'étais complètement dans la lune. Décidément, je ne suis pas la bienvenue entre ces murs.

      La sonnerie retentit, ce qui me fit sortir de mes pensés. Enfin sauvée par ces quelques notes. J'allais pouvoir me reposer un peu. Tous les élèves se dirigeaient rapidement vers la porte. Probablement pressés de sortir de l'école. Je me précipitai à ranger mon carnet et mon crayon dans mon sac, quand une main se posa violement sur mon pupitre. Je levai alors les yeux vers mon interlocuteur. C'était Nakamura. J'ai été prise de panique. J'essayais tant bien que mal de me lever et partir en courant mais quelqu'un me retenait. M'empêchant de me lever. Alors je posai mes yeux rempli de peurs dans ceux de Nakamura. Un bleu azur des plus rares. Il avait mis ses mains dans ses poches comme pour démontrer qu'il n'est pas là pour se battre. Il était accompagné de deux garçons qui affichaient leurs mécontentements. Bien sûr, ce genre de personnes n'agit pas seul. Il ouvrit enfin la bouche, ce qui me coupa à nouveau le souffle. Mon cœur battait à me rompre la poitrine :

    - Écoute-moi bien l'avortons. Ici, c'est nous qui commandons. Tu n'as rien à dire. On décide et c'est tout. J'ai demandé le silence complet et toi, tu as tout cassé en une seconde. Tu vois toute l'école nous appartient et les élèves sont sous nos ordres et tu devrais en faire autant si tu veux rester en vie assez longtemps pour avoir ton diplôme. Compris ? Et regarde-moi pas comme ça, je n'ai de pitié pour personne.

      Je cessai de le regarder. Je regardais plutôt le sol que je trouvais de plus en plus attirant aujourd'hui. Il prit une inspiration comme s'il s'ennuyait, je pu alors sentir qu'il restait peut-être un espoir :

    - Tu sais quoi ? On te pardonne que si tu nous achète des bières et que tu nous les apportes au parc Shinjuku ce soir. Notre chef Rintaro sera vraiment content de pouvoir te rencontrer. 

      Ils ricanèrent tous les trois à cette idée. Ce qui ne me rendait aucunement confiante. Je réfléchissais rapidement car ils semblaient s'impatienter. :

    - Alors, tu en penses quoi? 

      Ai-je vraiment le choix ? Je suppose que si je ne le fais pas, je serai torturée tout le long de mes études. Je dois prendre une décision à mon avantage :

    - C'est d'accord !
    - Très bien ! Alors à ce soir.


      Ils me regardèrent avec un sourire fendu jusqu'aux oreilles, me tournèrent le dos puis se dirigèrent vers la porte. Je pris mon sac et les suivis quelques minutes plus tard.

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    Point de vue de Jin
     
      Cela faisait quelques minutes que le groupe qui nous observait avait détourné les yeux et étaient retourné à leur conversation ou activités personnelles. L'un d'eux devait sûrement plus s'ennuyer que les autres car il se leva et se posta devant nous tous. Le gars n'était franchement pas imposant : une silhouette maigre et sèche, un sourire narquois collé sur une tête à claque, et un air de petit rebelle avorté. Seuls ses petits yeux plissés, d'un bleu clair assez original pour un japonais, pouvaient capter l'attention plus de deux secondes sur sa personne. Mais il faut croire qu'il avait une réputation, un certain pouvoir car la classe entière se figea. Il fit signe à tout le monde de se taire, enfin c'est ce que semblaient indiquer ses mouvements de bras et son regard de défit. Un passe-temps classique à faire pendant que le prof a le dos tourné quand on s'ennuie à mourir en cours. Ce prof là avait l'air habitué parce qu'on ne peut pas dire que la discrétion semblait le point fort de l'élève qui s'était levé, et malgré ça il se contenta de se retourner en soupirant une fois l'autre assit de nouveau. Il devait s'être lassé avec le temps. Ou alors il savait ce qu'il risquait en essayant de le punir. Oui, je penchais plus pour la mauvaise expérience bizarrement. 

      Le prof posa sa question dans un silence plus que tendu, du moins pour la moitié de la classe qui ne faisait pas parti de ceux qui côtoyaient Rintaro. J'étais maintenant prêt à parier que cette bande était la sienne. Ma nouvelle question : était-il ici aussi? Et si oui, qui était-ce ? Là encore j'avais ma petite idée : je penchais pour celui assit contre le mur, les pieds sur une deuxième chaise un peu plus loin. Son visage penché vers le bas, comme s'il scrutait ses genoux, plongeant ses traits dans l'obscurité de ses cheveux bruns d'où explosait une unique mèche rouge vif, l'entourait d'une aura inquiétante. Il était un des seuls à ne pas regarder les autres, et les deux gars qui l'encadraient, on aurait dit ses chiens de garde. Le cliché parfait du chef de clan presque mystique, mais je ne voyais pas d'autres étudiants qui avaient la carrure d'une tête de file. Après quelques secondes d'attente, le prof, persuadé qu'insister était peine perdue, fit de nouveau face à son tableau blanc désespérément grand pour ce qu'il pouvait y marquer. 

    - Monsieur ? 


      La voix de la nouvelle -Kiharu c'est ça ?- se fit entendre, timide et hésitante. Un peu plus et je croyais qu'il ne se retournerait jamais. Il ne devait pas être habitué à ce qu'un élève participe. 

    - Oui? Tu as une question?
    - Non pas vraiment , c'est pour celle que vous avez posée ...
    - Tu connais la réponse? 
    - Je ne suis pas sûre mais ce ne serait pas ... 


      Ah ce que les profs pouvaient me faire pitié ! Ferme ta bouche l'halluciné. On avait bien vu que tu étais surpris avec ta gueule de poisson mort! Je me serais bien levé la lui fermer moi-même mais le grincement strident d'une chaise de métal sur le sol mit un terme à sa surprise et il tourna vivement sa tête vers le perturbateur de tout à l'heure. À ce dernier d'être choqué : il avait pourtant bien demandé le silence il y avait tout juste une minute mais cette Kiharu semblait ne pas avoir compris le message. Cette fille n'était pas une rebelle, je la connaissais depuis une demi heure mais il suffisait de voir avec quelle application elle gardait les yeux vissés sur le sol pour comprendre qu'elle était trop innocente, ou juste trop stupide, pour décrypter un ordre comme celui-là. Et le regard persistant du gringalet, devenu haineux, n'était sûrement pas prêt de lui faire lever la tête de son bureau.

    - Monsieur Nakamura. Veuillez reprendre votre chaise et vous asseoir. Nous sommes dans une salle de classe et non dans une cour de récréation. Si vous avez des comptes à rendre, veuillez le faire à la fin du cours.

      Il allait répliquer mais il se stoppa rapidement, et se rassit sagement. Bizarre vu de l'extérieur. Même le prof sembla légèrement surpris, puis il reprit bien vite son cours, il n'allait pas laisser passer cette chance qu'on le laisse tranquille. Car il ne faut pas s'illusionner: s'il s'était rassit, ça n'avait aucun rapport avec l'autorité plus que basse du professeur, mais c'était bien la décision du chef de la bande. C'était le petit signe de main de celui assit contre le mur qui avait stoppé ses protestations dans sa bouche. C'était cet élève mystérieux qui avait ordonné qu'il se taise. C'était lui le chef. Maintenant j'avais ma seconde réponse. Puis l'élève se retourna sur sa chaise, non sans un dernier regard meurtrier vers Kiharu, pour se tourner vers les autres de son groupe. 

      La sonnerie libératrice arriva enfin. Tous s'empressèrent de ranger leurs affaires, quoique peu sorties des sacs, et le troupeau d'élèves se dispersa vite dans les couloirs. Il ne restait plus que le groupe supposé de Rintaro et le mien. Et Kiharu. Nakamura et deux autres gars la gardait fixée sur sa chaise. Il fallait se douter qu'il allait pas digérer sa désobéissance si vite. Mais ce n'est pas lui qui m'intéressait. Je sortais de la salle et me plaçais dos au mur du couloir, à quelques pas de la porte, attendant la sortie du chef de cette bande. Koki et mes autres gars se placèrent derrière moi, guettant la conversation qui allait suivre. Alors qu'il se levait enfin, un de ses gars se posta devant moi :

    - Qu'est-ce tu veux le nouveau ?
    - Parler avec ton chef. 
    - Quoi?! Et pour lui dire quoi , hm ? Tu sais qui c'est au moins ?! 
    - Rintaro.


      Du bluff, je bluffais totalement. Bien sûr j'avais cette intuition mais rien n'était certifié. Alors je bluffais en empruntant un ton dur et grave, comme sûr de moi. Ça le déstabilisa complétement, pauvre gars, si c'est des mecs comme ça qui composent sa bande, je voyais pas ce qu'il pouvait avoir de menaçant. 

    - Ouais c'est lui, ... alors ?! Tu lui veux quoi ?

      Bien. Rintaro était ici.

    - Lui parler
    - Fais pas le malin, je te ...
    - Kaoru ...

      La voix du gars à la mèche rouge vif le figea sur place. Une main se posa sur son épaule et il s'écarta en un bond de devant moi, laissant apparaître le chef, le visage toujours vers le bas:

    - Je suis Rintaro. C'est moi le chef ici. J'ai entendu parler de toi. Tu veux nous affronter c'est ça?
    - Pas vraiment.
    - Bon choix. Alors tu es là pour quoi, Jin ?

      Il leva enfin son regard vers moi. Je plantais le mien dans ses yeux noirs de jais. Quelques fines cicatrices bordaient son œil droit pour descendre sur le début de sa joue, ses pommettes étaient assez hautes, son regard profond, sa bouche banale passait inaperçu et ses cheveux mis-courts léchaient son cou sur quelques centimètres.

    - Je voudrais rejoindre votre groupe.

      Un sourire s'afficha brièvement sur ses lèvres, puis disparus dès qu'un de ses gars protesta : 

    - Eh! Où tu te crois toi ?! On entre pas ici comme dans un club de lecture, t'as plutôt intérêt à ...
    - Kaoru ! La ferme ! 
    - Ah , oui , pardon , je ... 


      Puis un autre gars vint plaquer sa main contre sa bouche. Les sourcils froncés, Rintaro continua: 

    - De ce qu'on m'as dit, t'es pas une de ces tapettes qui trainent un peu partout. On m'as dit vrai ?
    - Oui.
    - C'est vraiment toi qui a envoyé « le crâne » à l'hôpital ? 
    - Oui, il m'avait cherché. 
    - Hm ... quelques bras de plus, ça peut pas faire de mal ... 


      Je le fixais toujours, aucun émotion sur mon visage, à part peut être une once d'arrogance. Sa réputation je la connaissais, mais plus je le voyais, plus il me paraissait bien en dessous de tout ce qu'on pouvait dire de lui. Mais méfions nous, on ne sait jamais après tout. 

    - Je vous accepte.
    - Parfait.
    - À une condition : vous devrez faire vos preuves. 

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